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Fabuloscope

Cassandre Conte réécrit Mythe et Tragédie

Cassandre

Conte réécrit Extraits : Homère Iliade XIII et XXIV. Odyssée IX. Virgile Enéide II et III. Eschyle Agamemnon. E. Hamilton

Mythe et Tragédie

Thème

Connaissance de l'avenir et prophéties

Résumé

Cassandre fille de Priam, a grandi à Troie, solitaire. Jeune fille très belle. Nombreux soupirants. Elle les repousse tous y compris le dieu Apollon qui lui a donné le don de prophétiser. Vengeance du dieu : personne ne la croit. Elle pressent le malheur qui s'abattra sur la ville avec la naissance de Pâris. La guerre a lieu avec ses atrocités. Son frère Hector tué par Achille. La mise en garde de Cassandre pour le cheval de bois n'est pas entendue. Ruine de Troie. Cassandre réfugiée dans le temple d'Athéna et violée par le Petit Ajax. Emmenée comme esclave par Agamemnon. Arrivée à Mycènes, elle a la vision de l'horreur passée et à venir dans la demeure des Atrides. Meurtre d'Agamemnon, suivi de sa propre mort.

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Adultes

Dates des narrations

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Cassandre

Il était une fillette appelée Cassandre. C'était une des filles de Priam, le roi de Troie. Elle vivait dans l'immense palais, tout en haut de l'acropole, entourée de ses innombrables frères et soeurs. Tandis qu'ils jouaient sur la terrasse du palais, elle restait à l'écart. C'était une petite sauvageonne.
Elle préférait dévaler les marches jusqu'à la rivière, le Scamandre. Là, elle trempait ses pieds dans l'eau fraîche, jouait avec les galets ou simplement elle rêvait au bord de l'eau. Souvent elle s'allongeait dans l'herbe sur la rive, contemplait la course des nuages et se laissait pénétrer par les rayons du soleil, l'odeur des plantes, le crissement des insectes. Le soir, elle s'attardait en haut des remparts de la cité pour contempler le coucher du soleil sur la mer immense.

Devenue jeune fille, elle était appréciée pour sa beauté, semblable à "Aphrodite d'Or". En effet, ses cheveux descendaient sur ses épaules en vagues d'un blond cuivré. Son corps était souple et svelte.
Elle avait de nombreux soupirants, mais elle refusait de se donner à eux. Apollon, lui aussi, en devint follement amoureux. Pour la séduire, il lui fit un don prodigieux : l'art de la divination. Elle promit au dieu de s'unir à lui, mais après un premier baiser elle se déroba. Pour se venger, Apollon fit que personne ne croyait en ses prédictions. Le don devenait une malédiction. Ses prédictions annonçaient toujours un malheur. Lors de ses prédictions, Cassandre entrait en transes. Son teint devenait livide, son regard perdu, tout son corps tremblait, sa parole était saccadée, entrecoupée de gémissements. La plupart se détournaient. Certains en avaient peur. On la disaient folle. Au point que son père, Priam, l'enfermait lors de ses prophéties.

A la naissance de son jeune frère, Pâris, elle pressent qu'il sera responsable d'un immense malheur : la destruction de Troie. Sur le moment, sa prédiction n'est pas vraiment prise au sérieux. Pourtant, elle inquiète le roi Priam. Il décide d'éloigner l'enfant et l'envoie garder les troupeaux au loin dans les montagnes de l'Ida.

Mais par la suite, Pâris le jeune pâtre est désigné comme juge d'un concours de beauté entre trois déesses. Pour gagner le concours, Aphrodite offre son aide au jeune homme pour devenir l'amant d'Hélène, la plus belle femme du monde. Pâris ne résiste pas à cette proposition. Il se laisse corrompre sans scrupules. Il revient au palais. Son père l'accueille volontiers, heureux de retrouver l'enfant devenu un si beau jeune homme. Puis Paris se rend en Grèce. Il enlève Hélène, la femme de Ménélas, et l'emmène à Troie. Or les Grecs s'étaient ligués par un serment solennel pour venger le mari d'Hélène au cas où il subirait un affront. Tous s'embarquent donc avec leurs armées pour reprendre Hélène et pour infliger aux Troyens une vengeance terrible. Ainsi s'enclenche la guerre de Troie.

Dix ans de batailles sanglantes au pied des tours et dans la plaine qui borde le rivage. Chaque jour, les morts s'ajoutent aux morts , côté grec comme côté troyen, les blessés, les cris, les pleurs. Au chagrin, aux deuils, s'ajoute pour Cassandre un immense sentiment d'impuissance.
Parmi tant d'autres, un des soupirants de Cassandre est touché au ventre par une javeline puis tiré par les pieds à travers la mêlée. Favorisés par Zeus, les Troyens acculent les Grecs à leurs navires et commencent à les incendier. Quand Achille reprend le combat pour venger la mort de son ami Patrocle, les coups redoublent, plus féroces encore. Puis au cours d'un combat d'homme à homme, Achille tue Hector. Hector, le frère aîné de Cassandre, le héros, celui que tous les Troyens admiraient, celui qui la protégeait, celui qu'elle aimait le plus. Profanation suprême, Achille traîne le cadavre d'Hector dans la poussière, derrière son char. Trois fois, il fait le tour de la cité au vu de tous les Troyens.
Une nuit, Priam se rend en secret dans le camp des Grecs. Il supplie Achille de lui rendre le corps de son fils. Emu par le vieil homme, Achille accepte. Au petit matin, Priam revient à Troie avec le cadavre d'Hector étendu sur un lit tiré par les mules. Du haut des tours, Cassandre reconnait le cadavre de son frère. Elle se tord de douleur, gémit et appelle les Troyens à s'unir à ses lamentations.

La guerre se poursuit interminablement. Puis un jour, les Troyens découvrent un cheval de bois, abandonné sur le rivage. Les Grecs sont partis. Tout leur campement, tous leurs navires ont disparu. Découragés, les Grecs sont donc repartis vers leur pays. Sur le rivage désert, on découvre un homme, un Grec, les mains liées dans le dos. Qu'est-ce que ça signifie? Qui est-il? Il demande pitié :
-- Je devais être immolé aux dieux afin de procurer à la flotte grecque un retour favorable, mais j'ai réussi à m'enfuir et à me cacher. Je m'appelle Sinon. Je ne veux plus être grec, épargnez-moi!
-- Et le cheval? Qu'est-ce qu'il représente?
-- C'est une offrande à Athéna, leur dit Sinon.
Les Troyens veulent introduire cette énorme structure de bois dans le temple de la déesse, tout en haut de l'acropole. Le prêtre Laocoon, tente de les mettre en garde. Mais deux serpents sortis de la mer viennent l'enlacer et l'étouffer, lui et ses fils. C'est un signe envoyé par la divinité.

Mais Cassandre crie à la foule déjà en train de tirer et de pousser le monstre de bois pour l'introduire dans les murailles de la ville :
-- Ne touchez pas à ce cheval! Des guerriers grecs sont cachés dans son ventre.
Comme si tous étaient devenus sourds, personne ne l'écoute. A grand peine, les Troyens poussent le cheval de bois jusque dans la cité près du temple d'Athéna, et l'offrent à la déesse.
A la nuit, Sinon, le traître, ouvre le ventre du cheval, les guerriers en sortent. Ils ouvrent les portes de la ville. En même temps les navires reviennent d'une île proche où ils étaient cachés. Tous les Grecs s'engouffrèrent dans la ville endormie. Les Troyens sont piégés comme des rats. Et ce sont les massacres, les pillages, les incendies, les viols, les hurlements, les larmes.
Affolée, Cassandre se réfugie dans le temple d'Athéna, elle implore sa protection. Comme elle tient enlacée la statue de la déesse, Ajax le Petit, un des chefs grecs fait irruption, il la tire par les cheveux pour lui faire lâcher prise...et tente de la violer. Elle hurle. Hors de lui, le mari promis par Priam se jette sur Ajax et ses soldats qui, aussitôt, l'égorgent sous les yeux de Cassandre.
Troie en cendres, les Grecs se partagent le butin. Cassandre, la plus belle fille du roi Priam, est attribuée au roi Agamemnon. Il en tombe amoureux et l'emmène avec lui dans son palais à Mycènes.

Agamemnon est reçu en grande pompe par sa femme. Elle fait déplier des tapis de pourpre. Clytemnestre espère ainsi donner le change pour cacher sa haine.
-- Reçois cette étrangère avec bienveillance, lui demande Agamemnon. Son nom est Cassandre. Songe qu'il n'est pas facile à la fille d'un roi, de devenir esclave.
Cassandre, muette de terreur, ne se décide pas à descendre du char, horrifiée à l'idée de franchir les portes de cette demeure.
Clytemnestre l'interpelle :
-- Allons! décide-toi! Cesse de draper ton orgueil dans ton voile. Estime-toi heureuse de servir chez des maîtres prodigues.
Cassandre reste figée et muette.
Quelques anciens sont là, aux portes du palais, ils la considèrent d'un air de commisération.
-- Obéis donc! lui disent-ils. Tu vois bien que tu n'as pas d'autre moyen.
Alors Clytemnestre s'impatiente :
-- Peut-être que l'étrangère ne comprend pas la langue des Grecs. C'est le cas chez les barbares. Regardez moi ça! Elle a l'air d'une bête sauvage ou d'une folle...Et puis, ça suffit! Je n'ai pas le temps de l'attendre indéfiniment.
Cassandre descend du char. Dans un cri, elle invoque le dieu :
-- Apollon! Apollon! A quoi m'as-tu condamnée? Où me mènes-tu?
-- A la demeure des Atrides, disent les Anciens.
-- Une demeure souillée du sang de meurtres nombreux.
-- Aurais-tu connaissance du massacre perpétré ici par Atrée, le père d'Agamemnon, pour se venger de son frère?
-- Je vois de jeunes enfants, égorgés vifs, coupés en morceaux et servis en repas à leur père.
-- Tu n'as pas vu ces horreurs, ça s'est du passé il y a longtemps, et pourtant tu en parles comme si tu y avais assisté.
Soudain, elle crie:
-- Malheur! Ah! malheur! Un nouveau malheur se prépare.
-- De quoi parles-tu? De qui s'agit-il?
-- Elle se saisit de l'épée à double tranchant, la lève au dessus de sa nuque et frappe. Il s'écroule...
Les cris du roi, frappé à mort par sa femme et par son amant retentissent dans tout le palais.
-- Ah! dieux! les flots de sang!...C'est la même horreur qui m'attend...Ma mort est imminente...Apollon! Apollon! J'aurais tant voulu ne pas savoir. Je garderai donc ce don maudit jusqu'à la fin! Comment m'en débarrasser?

Elle se dépouille violemment de ses attributs de prêtresse et les foule aux pieds. Elle n'est plus qu'une jeune fille sans défense.
-- Oh! ma patrie, la demeure où j'ai grandi, la cité maintenant anéantie, l'eau fraîche de la rivière où j'aimais tremper mes pieds, adieu...Il ne sert à rien de retarder la sentence, sinon de prolonger la souffrance.
Elle va se livrer courageusement à son implacable destin. A présent, tout ce qu'elle espère c'est ne pas souffrir
-- Que je sois tuée d'un seul coup! Que je meure dans mon sang versé d'un seul flot! Que je ferme doucement les yeux!
Avant de franchir le seuil, elle demande aux vieillards comme seule faveur, de témoigner du meurtre d'une esclave sans défense : leur témoignage sera sa sépulture.

Plus tard, beaucoup plus tard, le spectre d'Agamemnon prisonnier de l'Hadès a raconté à Ulysse venu chez les Morts : " Tout autour des tables chargées de nourriture, nous jonchions le sol et notre sang fumant se répandait partout. Et ce que j'entendis de plus atroce, c'est le cri de Cassandre qu'égorgeait sur mon corps la fourbe Clytemnestre. Je voulus la couvrir de mes bras, mais un coup de glaive m'acheva. Et la chienne sortit sans me fermer les yeux ni les lèvres."