Hershele et Hannoukah Folklore Yiddish Très joli conte. Spécial Hannoukah
Seuil
Hershele et Hannoukah
Seuil Histoire des trois souhaits et autres contes
-Folklore Yiddish / Très joli conte. Spécial Hannoukah
Thème
La fête de Hannoukah. Le désir d'enfant exaussé. L'animal témoignage d'une promesse exaussée par le prophète Elie
Résumé
Reb Isaac est régisseur chez un seigneur polonais. Il vit à l'aise, mais il n'a pas d'enfant. Sa femme et lui élèvent les enfants d'un cousin pauvre. Un soir de Hannoukah, un faon gratte à la porte. Les enfants souhaitent appeler le faon "Hershele", mais Kreindel, la femme s'y oppose et propose "Hannoukah". En effet, Kreindel a un secret : un mendiant lui a assuré qu'elle aurait un enfant quelques temps après qu'un animal entre dans la maison. Il faudra donner le nom de cet animal à l'enfant. Le faon reste à la maison pendant tout l'hiver. Au printemps, on le laisse partir dans la forêt. L'enfant naît. Au 2° jour de Hannoukah de l'année suivante, le faon, presque adulte, revient passer l'hiver à la maison. Le 3° hiver, il revient avec un biche.
Public
Ados, Adultes
Dates des narrations
- 11/12/2019 - MJLF Surmelin (en hébreu)
- 02/12/2019 - Contes en liberté
- 11/12/2010 - A la bête pharamine bibliothèque Faidherbe
Hershele et Hannoukah
Dans un petit village de Pologne vivait un juif, reb Isaac Seldes. Il administrait les propriétés d'un seigneur polonais, un comte souvent parti à l'étranger. Il faisait fructifier le domaine. Lui-même était riche, mais c'était un homme bon et juste. Il traitait les paysans comme des égaux et était aimé de tous.
Sa femme, Kreindel, était entourée de servantes. Elle aussi était bonne et dévouée.
Ils habitaient une grande et belle maison. La porte était ouverte à quiconque demandait l'hospitalité, les mendiants ne repartaient jamais sans une aumône. Isaac et Kreindel vivaient dans l'aisance. Ils ne manquaient de rien... Non de rien, sauf de ce qu'ils désiraient le plus au monde : un enfant.
Longtemps ils avaient espéré, chaque jour ils priaient. Kreindel avait consulté des docteurs célèbres à Lublin, des guérisseuses, des diseuses de bonne aventure, des charlatans prodigues en boniments. Ses espoirs étaient toujours déçus.
Comme ils avaient des cousins pauvres, ils firent venir les enfants dans la grande maison et se chargèrent de les éduquer. Reb Isaac engagea un maître pour enseigner le Talmud, la Torah, la grammaire et les mathématiques. Les filles apprenaient auprès de Kreindel tout ce que doit savoir une pieuse maîtresse de maison.
Un jour, alors que reb Isaac était parti en tournée pour inspecter le domaine, un mendiant vint frapper à la porte. C'était un vieil homme avec une barbe et des papillotes blanches. Il s'appuyait sur une canne et portait un sac de toile grise sur l'épaule.
Comme de coutume, Kreindel le fit entrer et lui servit à manger. Pendant le repas l'homme sortit un livre sacré de son sac et se mit à lire à haute voix. Surprise, Kreindel le questionna et se rendit compte que ce n'était pas un mendiant ordinaire, mais un saint homme. Elle lui parla de son désir toujours déçu de mettre au monde un enfant et lui demanda d'intercéder pour elle auprès du Très-Haut, béni soit son nom.
--- Je vous promets que si votre prière est entendue au ciel, je vous donnerai, quand vous reviendrez, un sac rempli de pièces d'argent.
--- Je vous promets que dans un an environ vous aurez un enfant. Pour moi, je ne me soucie guère de pièces d'argent.
--- S'il vous plaît, saint homme, donnez-moi un signe, un gage de votre promesse.
--- Un peu avant que ton enfant soit conçu, un animal pénétrera dans ta maison. Quand l'enfant sera né, tu lui donneras le nom de cet animal. N'oublie pas.
Comme le vieil homme s'apprêtait à partir, Kreindel lui offrit des vêtements et des provisions, mais il refusa. Il éleva les mains au dessus de la tête de Kreindel, la bénit et disparut.
Kreindel ne parla pas à Isaac de la visite du vieil homme et de son espoir d'avoir un enfant. Tant de fois elle avait été déçue! Elle pensait souvent aux paroles du vieil homme, mais elle gardait le secret tout au fond de son coeur.
On arrivait au temps de Hannoukah. Il avait déjà beaucoup neigé. Dans la maison de reb Isaac, les huit jours de Hannoukah étaient toujours très gais. Il bénissait les bougies, puis donnait de l'argent aux enfants et tout le monde jouait avec des dreidels, des petites toupies et chantait :"Sevivon, sov sov sov, Hannoukah hou rag tov..." Kreindel et les servantes préparaient dans la cuisine les latkès, les galettes de pomme de terre.
Un soir, tandis que les enfants étaient occupés avec leurs dreidels et que reb Isaac jouait aux échecs avec le maître d'école, on entendit un grattement à la porte. Reb Isaac alla ouvrir et à son grand étonnement, il vit sur le seuil un faon qui n'avait pas encore de bois. Ce faon avait l'air affamé, gelé, épuisé. Peut-être avait-il perdu sa mère. Reb Isaac l'attrapa par le cou et le fit enter dans la maison. Quand les enfants virent le petit animal ils furent émerveillés. Kreindel qui arrivait de la cuisine avec le plateau de latkès faillit tout laisser tomber. Reb Isaac voulut donner une galette au faon mais Kreindel s'écria : "Ne fais pas ça! Il est trop jeune, il a besoin de lait, pas de galette". L'une des servantes alla chercher un bol de lait. Le faon le but tout entier puis releva la tête comme pour dire : "J'en veux encore". Tous étaient d'accord pour garder le petit animal et le mettre hors des dangers de la forêt peuplée de renards, de loups et même d'ours. Une servante apporta une botte de foin et on installa le faon dans une des pièces. Bientôt il s'endormit.
Les enfants demandèrent à garder le faon à la maison.
--- Nous le garderons jusqu'à temps qu'il puisse se débrouiller seul dans la forêt, jusqu'à la Pâque, leur promit reb Isaac.
Puis ils discutèrent du nom à donner au faon. Presque tout le monde voulait l'appeler Hersheleh -- ce qui veut dire "faon" en yiddish -- mais Kreindel dit :
--- Je ne suis pas d'accord!
Tous furent très étonnés. Ils lui demandèrent :
--- Mais pourquoi?
--- J'ai mes raisons.
--- Comment veux-tu qu'on l'appelle alors?
--- Appelons-le Hannoukah.
Tout le monde approuva. Après quoi, la soirée reprit joyeusement et se poursuivit tard dans la nuit.
Quand ils allèrent se coucher, reb Isaac demanda à Kreindel :
--- Pourquoi ne voulais-tu pas qu'on appelle le faon Hersheleh?
--- C'est un secret, répondit-elle.
A l'arrivée du faon, elle sut qu'elle donnerait naissance à un garçon et qu'elle l'appellerait Hersheleh. Mais ce n'était encore qu'une promesse...
--- Tu me le diras un jour, ce secret?
--- Il se révèlera tout seul.
Reb Isaac n'insista pas. Il faisait confiance à sa femme.
Et, en fait, Kreindel devint enceinte peu de temps après. Reb Isaac comprit que la visite du faon avait été un présage. Il dit :
--- Quand notre enfant naîtra, si c'est un garçon, nous l'appellerons Hersheleh.
--- Comme tu voudras, mon bien-aimé.
L'hiver passa, le printemps vint. Hannoukah avait bien grandi, ses bois commençaient à pousser. On voyait qu'il n'était plus heureux dans la maison. Un matin Kreindel lui donna un bon repas de foin , de carottes et de pommes, puis elle ouvrit la barrière vers les champs et les bois. Hannoukah adressa à sa maîtresse un regard qui voulait dire merci, et il s'élança vers la prairie.
Peu après Kreindel mit au monde un beau petit garçon aux cheveux noirs et aux yeux bruns qui rappelaient ceux du faon. Bien entendu on l'appela Hersheleh. Ce fut la joie à la maison. Il y eut un repas de fête pour la circoncision. De tous les environs arrivèrent toute sorte de gens heureux de profiter des largesses de reb Isaac Seldes et de sa femme. On mangea, on bu, on dansa. Isaac et Kreindel avaient espéré la venue du vieux mendiant, mais il ne vint pas.
L'été passa et le temps fraîchit. Après la pluie, il se mit à neiger. La fête de Hannukah approchait. Tout le monde se demandait ce que devenait le petit faon par le froid et le gel.
Le premier soir de Hannoukah, Kreindel et les servantes s'affairaient dans la cuisine à préparer les latkès, reb Isaac avait béni la première bougie et donné de l'argent aux enfants.
Mais tous pensaient au faon arrivé l'an passé au premier soir de la fête. Le bébé Hersheleh dormait dans son berceau. On lui avait préparé un cadeau très spécial, un faon en sucre, avec Hannoukah écrit dessus. Il s'était mis à le lécher dès qu'on le lui avait donné.
Le second soir, tandis que les enfants jouaient à nouveau au dreidel, que reb Isaac s'apprêta à mettre échec et mat le maître d'école et que Kreindel débarrassait la table avec les servantes, on entendit gratter derrière la porte. Kteindel courut ouvrir et poussa un cri de joie. C'était Hannoukah, presque un adulte déjà. Il était revenu passer l'hiver au domaine. Hersheleh fut réveillé par le bruit et quand on l'approcha de l'animal, il lui tendit sa petite main. Hannoukah lui donna un bon coup de langue, comme s'il savait que quelque chose de spécial existait entre eux.
Après quoi, le jeune cerf revint tous les ans au domaine, à peu près à l'époque de Hannoukah. Il avait des bois superbes. Hersheleh grandissait, lui aussi.
Le troisième hiver il vint accompagné d'une biche. Les enfants discutèrent du nom à donner à la femme de Hannoukah. Le maître d'école proposa "Ayala", ce qui veut dire une biche en hébreu. Et le nom fut adopté par tout le monde.
Le vieux mendiant n'est jamais revenu, lui.
Peut-être avez-vous deviné qui c'était?... Je crois que c'était le prophète Elie.