Fabuloscope

Le déluge

Pendant l'âge d'or, les hommes vivaient heureux, sans peine et sans fatigue car la terre leur offrait tout ce dont ils avaient besoin. Ils la respectaient et ils honoraient les dieux.
Vint ensuite l'âge d'argent. Les hommes commencèrent à changer : ils ne vénéraient plus tellement les dieux, ils ne leur offraient plus de sacrifices. Ils n'étaient plus aussi heureux que leurs ancêtres.
Quand cette race d'hommes vint à disparaître, ce fit l'âge de bronze qui lui succéda. On le nomme ainsi car les hommes avaient découvert la façon de fabriquer, à partir du cuivre, des outils et des armes de bronze. Ils massacraient les bêtes sauvages, ils se faisaient la guerre. Ils pensaient qu'ils n'avaient plus besoin de la protection des dieux. Aussi ne les vénéraient-ils plus du tout. Certains même les méprisaient et se moquaient d'eux ouvertement.

Alors Zeus décida de détruire la race humaine.
Mais avant de se résoudre à déclencher le cataclysme, il a fait une dernière visite à la terre pour voir s'il s'y trouvait quelque juste susceptible d'échapper à la destruction.
Il s'est donc rendu un soir en Arcadie, où il a été reçu par le roi Lycaon. Or Lycaon avait décidé de se moquer du roi des dieux. Il imagina une provocation cynique : il fit tuer un prisonnier, puis il fit cuisiner sa chair et l'offrit à Zeus. C'était un sacrilège épouvantable car les hommes sont à l'image des dieux. Zeus transforma Lycaon en loup. Cette fois, il était bien décidé à détruire l'humanité toute entière.

Il ordonna à Eole, le maître des vents d'enchaîner tous les vents dans sa grotte, et de lâcher le seul vent du sud, celui de la pluie et des tempêtes. Le vent du sud se déchaîna, remplit le ciel de nuages lourds et il se mit à pleuvoir, à pleuvoir sans discontinuer pendant neufs jours et neuf nuits. Tout fut inondé. La terre n'arrivait plus à absorber l'eau, les fleuves débordaient, partout se formaient des marécages, des étangs, des lacs. Les animaux périssaient, enlisés dans la vase. Les maisons étaient inondées, les villes étaient sous l'eau et l'eau montait toujours. Bientôt, tout ne fut plus qu'une plaine liquide. Il n'y avait plus de différence entre la mer et la terre. Les poissons évoluaient au dessus des champs, au dessus du toit des fermes, au dessus des arbres. Les bêtes sauvages et domestiques étaient entraînées par les flots, le loup nageait au milieu des moutons. Les oiseaux, fatigués de voler, tombaient à la mer. Les hommes mouraient noyés. Et le petit nombre d'entre eux qui s'étaient réfugiés dans des barques ou qui étaient parvenus à s'agripper au sommet des montagnes finissaient par mourir de faim et de froid.

Or dans le cercle des dieux de l'Olympe se trouvait Prométhée. C'est lui qui avait créé les hommes à partir de terre glaise. C'est lui qui, plus tard, avait dérobé le feu à Zeus pour en faire cadeau aux hommes.
Prométhée ordonna à son fils Deucalion de construire un bateau, de le charger de provisions, d'y embarquer quelques béliers pour les offrir en sacrifice à Zeus et d'y monter lui-même avec sa femme Pyrrha.
Après que la pluie eut cessé, Deucalion attendit encore neuf jours et neufs nuits, tandis que le bateau voguait à la dérive. Il s'arrêta enfin au sommet d'une montagne, le Parnasse. Les eaux se résorbèrent lentement, quelques rochers apparurent, puis un peu de terre. Tout était recouvert de boue.
Quand le sol fut suffisamment sec, Deucalion descendit du bateau et fit tout ce que son père lui avait demandé : il fit un sacrifice à Zeus pour le remercier d'avoir permis à l'eau de se retirer.
Zeus apprécia cet acte de piété et il voulut le récompenser. Il envoya Hermès, son messager, auprès de Deucalion.
--- Que désires-tu comme cadeau en échange de ton sacrifice?
--- Je voudrais qu'il y ait à nouveau des hommes pour repeupler a terre.
Le messager rapporta à Zeus le souhait formulé par Deucalion et il revint très vite :
---Zeus vous dit d'aller consulter la déesse Thémis dans son temple.
La déesse les entendit et répondit :
---Voilez votre tête et lancez derrière vous les os de votre mère.
Ils restèrent longtemps frappés de stupeur, sans comprendre. Après réflexion, Deucalion déclara :
---L'oracle a voulu parler de la Terre-Mère. Notre mère c'est la terre qui nous nourrit. Les pierres ce sont ses os. C'est elles qu'il nous ordonne de jeter derrière notre dos.

Deucalion et Pyrrha s'avancèrent en une vaste plaine en lançant des pierres derrière eux. A mesure qu'elles tombaient, elles prenaient forme : celles lancées par Deucalion se transformaient en hommes, celles lancées par Pyrrha se transformaient en femmes. Ainsi la race humaine repeupla la terre.