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Fabuloscope

Narcisse d'après Ovide Les métamorphoses, E. Hamilton La mythologie, Pascal Quignard : Le sexe et l'effroi Conte mythologique Version adulte / Version enfant

Narcisse

d'après Ovide Les métamorphoses, E. Hamilton La mythologie, Pascal Quignard : Le sexe et l'effroi

Conte mythologique / Version adulte / Version enfant

Thème

Le regard dans le miroir. L'amour de soi. Les métamorphoses.

Résumé

Sa naissance. Son indifférence et son mépris des sentiments amoureux que lui portent les autres. Perdu dans la forêt, sa rencontre avec la nymphe Echo. La métamorphose d'Echo. La contemplation de son image dans la source et sa mort. Sa métamorphose en fleur.

Notes

Très beau conte, poétique. Fin dramatique

Public

Grands enfants, Ados, Adultes

Dates des narrations

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Narcisse

Sa mère était la nymphe Liriopé, la rivière aux reflets changeants. Son père, le Céphise, un fleuve sinueux. Céphise avait enlacé Liriopé. De cette union était né un bel enfant. Avant sa naissance, la future mère avait consulté le devin Tirésias pour lui demander si son enfant vivrait une vie longue et heureuse. "Oui, lui avait répondu le devin, à condition qu'il ne se connaisse pas." Ni Liriopé, ni personne n'avait compris la signification de ces paroles.
Sa mère a donné à ce petit garçon le nom de fleurs qui poussent dans les prairies humides au printemps, ces fleurs blanches au coeur jaune bordé d'un liseré orangé : Narcisse.

Devenu jeune homme Narcisse attirait les regards par sa beauté, une beauté délicate : le teint clair, les cheveux bruns bouclés, des yeux gris-verts aux reflets changeants, un nez parfait, une bouche bien dessinée, sur ses joues un duvet naissant. Toutes les jeunes filles en tombaient amoureuses, mais il ne les regardait même pas.
Il repoussait de même les avances des jeunes éphèbes attirés par sa grâce. Plus d'un avait été éconduit. En particulier, un certain Némésias éperdument amoureux. Narcisse le repoussait sans cesse. Un jour il lui fit envoyer en présent une épée. Némésias reçut l'arme, la saisit, sortit de chez lui l'épée à la main, et se tua devant la porte de Narcisse en invoquant la vengeance des dieux par le sang qui allait couler sur le seuil de la porte.
Narcisse était étrange, solitaire, enveloppé de mystère et cela même le rendait plus séduisant. A la compagnie des filles et des garçons de son âge, Narcisse préférait la chasse dans la solitude des bois.

Un jour, il se lance à la poursuite d'un cerf au coeur de la forêt, seul, sans ses compagnons. Il se perd au fin fond des bois. Il marche au hasard, fatigué, assoiffé, quand soudain, il aperçoit une source aux eaux limpides. Pas une ride à la surface de l'eau. On dirait qu'aucun être ne l'a approchée depuis le commencement du monde. Là, Echo, une jeune nymphe l'aperçoit à travers les feuillages. Elle vit dans la forêt avec ses compagnes, les nymphes des bois. Zeus, le plus puissant des dieux venait souvent les retrouver. Toujours jalouse, Héra l'épouse de Zeus soupçonnait son mari de lui être infidèle. Elle venait l'épier jusque dans la forêt. Plusieurs fois, Echo avait retenu Héra à l'écart en bavardant longuement avec elle. Mais quand , Héra s'était rendu compte du stratagème, elle avait puni Echo : elle l'avait condamnée à ne plus pouvoir parler, sauf à répéter les derniers mots entendus.

Echo suit Narcisse sans se faire voir. Elle est subjuguée par sa beauté. Elle voudrait l'approcher, lui parler, lui dire des mots d'amour. Mais elle a honte, elle ne peut pas.
Perdu au milieu de la forêt, Narcisse appelle :
-- Y a-t-il ici quelqu'un ?
-- Si, quelqu'un, répète Echo
-- Alors, viens!
-- Viens! reprend Echo.
Mais elle n'ose pas le rejoindre.
-- Réunissons -nous, crie Narcisse
-- Unissons-nous, reprend Echo.
N'y tenant plus, elle accourt et passe ses bras autour du cou de Narcisse... Narcisse la repousse brutalement.

Echo se sauve et se cache au plus profond des bois, cruellement humiliée, mais toujours sous le charme. Peu à peu, elle dépérit de chagrin. Son corps se dessèche, se désagrège, ses os deviennent des rochers.
Depuis ce temps, elle n'a plus de corps, il ne reste d'elle que sa voix. Vous la connaissez, c'est elle qui répète les derniers sons entendus dans les endroits couverts ou les vallées encaissées.

La déesse de la Vengeance avait entendu la prière de Némésias juste avant son suicide et la plainte de tant d'autres victimes du mépris de Narcisse. Elle entend maintenant la souffrance de la nymphe Echo, c'en est trop! La Vengeance décide de punir Narcisse pour son mépris brutal. Il subira, lui aussi, les souffrances des amours malheureuses.

Narcisse s'approche de la source. Il se penche pour boire. L'eau est délicieusement fraîche.
Il aperçoit sa propre image comme dans un miroir. Il est stupéfait par sa beauté. Il ne peut détacher son regard de son reflet. Plus il le regarde, plus il est sous le charme.
Narcisse sourit, l'image lui rend son sourire. Il voudrait l'embrasser, l'image lui tend ses lèvres.
-- Je t'aime, lui dit Narcisse.
-- Je t'aime, semble lui dire son double.
-- Je te désire, avoue Narcisse.
Narcisse plonge ses bras dans l'eau pour l'enlacer. L'eau se trouble.
-- Reviens, lui dit Narcisse, ne me quitte pas!
L'eau se calme et son reflet réapparaît.

Narcisse reste penché au dessus de l'eau. Il n'arrive pas à se détourner de son image. Il est fasciné : est-ce lui? est-ce un autre? Il ne songe plus à retrouver ses compagnons, ni sa demeure. Il ne songe plus à se nourrir. Il ne songe plus à sa propre vie. Il est là, prisonnier de sa passion pour lui-même, indifférent au temps qui passe. Rien d'autre ne compte que cet amour impossible. Il ne peut supporter cette souffrance sans issue. La mort s'empare de lui tandis qu'il contemple son reflet, le regard plongé dans le regard tourné vers lui.

Certains racontent que la nymphe Echo se tenait à ses côtés, mais elle ne pouvait rien pour lui. Seulement, quand en mourant, il s'est adressé à sa propre image : "Adieu, mon aimé!", "mon aimé" reprit-elle dans un dernier mot d'amour. Avec elle, les nymphes des bois et des cours d'eau l'ont pleuré. Comme elles préparaient les funérailles, le corps avait disparu.
Certains disent que Narcisse avait tenté de rejoindre son reflet et qu'il s'est noyé.
Ce qui est sûr, c'est qu'à sa place, il y avait une fleur blanche au coeur jaune bordé d'un liseré orangé.

Après sa mort, l'ombre de Narcisse est descendue dans le monde des Morts. Comme tous les morts, il a dû traverser le Styx dans la barque du passeur Charon. Pendant la traversée, Narcisse s'est penché au dessus du bord de la barque pour entrevoir son reflet une dernière fois dans les eaux noires du Styx.
Tirésias, le devin aveugle, avait été étrangement clairvoyant : "Oui, avait-il dit, l'enfant jouira d'une longue vie à condition qu'il ne se connaisse pas."
Mais la prédiction n'a été comprise qu'après la mort de Narcisse.