Fabuloscope

L'Odyssée 3e épisode

Le navire d'Ulysse navigue seul maintenant, poussé au hasard des vents. Il parvient à une pointe rocheuse. A nouveau les vivres commencent à manquer ainsi que l'eau potable. Ulysse part en reconnaissance. Un sentier le mène sur un plateau. De là il voit qu'il se trouve dans une île boisée. Il voit une fumée au milieu d'une clairière. L'île est donc habitée. Mais qui sont ses habitants? Des barbares, des géants, des ogres, des monstres?
Tout en contrebas, un cerf est en train de se désaltérer à un petit ruisseau qui se jette au fond d'une crique, un cerf dix-corps, une bête splendide. Ulysse le tue de son javelot. Il tresse des liens avec des joncs, l'attache par les pattes et l'emporte sur l'épaule. La charge est lourde jusqu'au navire. Ce soir-là, tous font un grand festin.

Dès le lendemain, Ulysse partage ses compagnons en deux groupes de vingt hommes chacun. Il prend le commandement de l'un et confie l'autre à Euryloque, son beau-frère. Ils tirent au sort. C'est Euryloque et ses hommes qui doivent aller en reconnaissance.
Ils avancent à contre-coeur, la peur au ventre. Ils parviennent à une jolie demeure flanquée d'un enclos. Derrière la palissade se trouvent toute sorte d'animaux : des loups, des sangliers, des chevreuils, des chiens. Tous ces animaux se mettent à gémir plaintivement à l'approche des hommes, comme s'ils voulaient leur dire quelque chose.
Une femme d'une grande beauté est assise sous le porche, entourée d'une douzaine de servantes. Les envoyés l'appellent. La maîtresse de maison accourt au devant d'eux. Elle les invite à s'asseoir auprès d'elle. Tous acceptent sauf Euryloque qui flaire un piège. Il se cache derrière la palissade et observe.
Les servantes présentent des coupes de vin. Euryloque voit la femme verser dans les coupes une drogue d'un petit flacon caché dans un pli de sa robe. Les hommes boivent et mangent avec gloutonnerie. Alors la femme les touche avec une baguette. Aussitôt ils se couvrent de poils. Leur tête s'allonge en hure ou en groin, leurs bras et leurs jambes deviennent des pattes., leur corps devient celui d'un sanglier ou d'un porc.
D'abord ils se lamentent de leur métamorphose, mais bientôt leurs sanglots se transforment en grognements, leur esprit s'embrume.
La magicienne et ses servantes les chassent dans l'enclos avec les autres bêtes.

Euryloque revient en courant raconter à Ulysse tout ce qu'il a vu.
Ulysse ne sait pas comment s'y prendre, mais il veut tenter de délivrer ses compagnons de l'enchantement. Il prend son épée et se dirige vers la maison de la magicienne.
En chemin, il est abordé par un jeune homme venu on ne sait d'où. Le jeune homme lui dit :
-- Tes compagnons sont au pouvoir de Circé, la magicienne. Tu veux les délivrer? Tu subiras le même sort qu'eux. Mais je veux te sauver. Tiens! Voilà une plante qui te protégera des sortilèges. Garde-la sur toi. La drogue n'aura pas d'effet sur toi, pas plus que la baguette.
Sous l'aspect d'un jeune homme ordinaire, Ulysse a reconnu Hermès, le dieu aux sandales et au casque ailés.

En arrivant à la demeure de Circé, Ulysse est ébloui par sa beauté.
Elle le reçoit de façon très affable, lui offre du vin additionné de la drogue et l'invite à boire en signe de bienvenue. Puis elle le touche de sa baguette et dit :
-- Va rejoindre tes compagnons, les porcs!
L'herbe magique empêche la métamorphose.
Alors il tire son épée et menace Circé. Elle pousse un cri et se jette aux genoux d'Ulysse.
-- Qui es-tu, toi qui as résisté à mon sortilège?... Serais-tu Ulysse aux mille ruses?
-- Oui, je suis Ulysse, le roi d'Ithaque.
Il continue à menacer Circé
-- Jure-moi par le Styx de ne pas me faire subir tes maléfices et aussi de rendre à mes compagnons leur forme d'hommes.
Circé jure. Ulysse remet son épée dans le fourreau.

C'est le premier homme sur lequel son pouvoir a échoué. L'admiration naît au coeur de Circé en même temps que l'amour. Elle a toute sorte d'attentions délicates pour lui. Elle lui fait préparer un bain parfumé, partage avec lui un repas succulent.
Puis, selon son serment, elle l'emmène dans l'enclos des animaux. Elle les touche de sa baguette et les frotte d'une drogue nouvelle. Aussitôt, leurs poils et leurs soies tombent, leur groin et leur museau disparaissent, leurs pattes redeviennent des bras et des jambes. Les porcs se redressent et reprennent forme humaine.
En quelques instants, Ulysse retrouve tous les hommes qui avaient accompagné Euryloque, mais plus jeunes, plus beaux que lorsqu'ils les avaient quittés. Tous pleurent de joie et remercient Ulysse.

Circé demande à ses servantes de prendre soin d'eux. Et les voilà qui se jettent à nouveau sur la nourriture. Circé prend Ulysse à part et lui explique :
-- La drogue que j'ai donnée à tes compagnons a pour effet de les transformer en animaux. Mais je n'ai pas le pouvoir de choisir en quel animal. La métamorphose s'opère selon la nature profonde de l'individu. Celui qui est sanguinaire devient un lion ou un loup. Un peureux se métamorphose en chevreuil ou en lapin. Mais le plus souvent, les hommes se transforment en porcs. Et c'est ce qui est arrivé à tes compagnons... Pauvre Ulysse! Je te plains d'être entouré de tels compagnons.
-- Oh! je connais bien mes hommes et leurs défauts depuis le temps que nous vivons ensemble.
-- Méfie-toi, Ulysse. Ils risquent de t'entraîner à ta perte... Avec moi, tu es en sécurité. Reste vivre auprès de moi. Chaque jour sera pour toi une fête.
-- Ecoute, Circé! Mes compagnons sont ce qu'ils sont. Ils m'ont suivi fidèlement à la guerre contre Troie. Parfois ils sont lâches, parfois ils sont braves. Ils sont pillards et gourmands. Lorsque j'étais enfant, j'ai joué avec eux. C'étaient mes camarades. Ils me prenaient déjà comme chef de leur bande. Ils m'aiment à leur façon et moi je les aime. Je dois les ramener dans notre patrie, sains et saufs.
Circé, qui est magicienne, lit aussi dans les coeurs. Elle sait ce qu'Ulysse n'ose pas lui dire : qu'il désire plus que tout revoir sa femme, Pénélope et son fils.
-- Reste seulement quelques temps avec moi. Puis tu repartiras quand tu voudras. Laisse passer la mauvaise saison, attends que la navigation soit moins dangereuse.
Ulysse acquiesce.
Il va chercher ses compagnons restés sur la plage. Quand ils voient Ulysse, ils pleurent de joie. Ils le croyaient, lui aussi, transformé en pourceau.
Tous demeurent chez Circé. Ils vivent dans l'oisiveté et dans l'opulence.

Mais au bout d'une année, la nostalgie est la plus forte. Ils ne pensent plus qu'à rentrer à Ithaque. Ulysse demande à Circé le moyen de retrouver le chemin de sa patrie.
Circé lui répond :
-- Je ne te retiens pas contre ta volonté. Mais je ne peux pas t'indiquer le chemin du retour. Pour le connaître, il faut aller interroger Tirésias, le devin, qui se trouve chez les Morts. Il te dira ce qui t'attend et te donnera des conseils.
-- Chez les Morts?!!!Mais personne n'en revient vivant...Et comment savoir où se trouve le royaume des Morts?
Tu y arriveras sans effort. Le vent du Nord t'y conduira. Quand tu y parviendras, creuse une fosse et sacrifie une brebis noire que je vais te donner. Tu verras apparaître les âmes des Morts. Parmi eux, Tirésias : c'est lui qui te fera connaître le chemin du retour et le destin qui t'attend.

Dès que l'aurore paraît, Ulysse appelle ses compagnons.
Un certain Elpénor, le plus jeune de tous, s'est endormi sur la terrasse du palais à l'écart des autres. Mal réveillé, ne sachant plus où il se trouve, il enjambe la terrasse, met le pied dans le vide. Il s'écrase à terre et se brise les os du cou. Il perd la vie.

Ulysse entraîne le reste de ses marins et ils reprennent la mer. Quand Ulysse leur annonce qu'ils doivent d'abord se rendre au royaume des Morts, c'est une immense déception et une horrible angoisse.