Ole et Trufa, histoire de deux feuilles Conte de nature Conte émouvant. Original
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Ole et Trufa, histoire de deux feuilles
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-Conte de nature / Conte émouvant. Original
Thème
L'amour et la fidélité. Les feuilles d'automne. La vieillesse.
Résumé
La forêt en novembre. Un automne très doux. Deux feuilles sont accrochées à la cime d'un arbre. Elles s'aiment depuis toujours. Elles s'encouragent mutuellement à tenir bon. Un coup de vent arrache Ole et l'emporte parmi les feuilles qui jonchent le sol. Pendant qu'elle s'assoupit Trufa est emportée auprès d'Ole. Elles se sentent unies par un amour différent, un amour encore plus grand, un amour mystique, tandis qu'elles sont emportées par le vent.
Public
Adultes
Dates des narrations
- 23/11/2000 - Contes en liberté
- 12/11/2000 - à la Bête Pharamine ( bib. Faidherbe )
Ole et Trufa, histoire de deux feuilles
Conte réécrit Eder et Yafa
C'était en novembre. Un novembre gris et doux. Les arbres de la forêt avaient perdu leurs feuilles. Seuls restaient quelques plumets sur les branches les plus basses des hêtres : ces feuilles-là c'est la sève des bourgeons qui les décroche au printemps. Les feuilles tombées à terre formaient un épais tapis. Mais en dessous la vie continuait : vers, grillons, mulots...Beaucoup d'oiseaux s'étaient enfuis : des oies sauvages avaient sillonné le ciel en vols interminables, des nuées d'étourneaux avaient virevolté avant de s'embarquer pour des pays plus chauds. Outre les corbeaux et les pies, on entendait encore les cris de quelques oiseaux. On se demande comment ils peuvent surmonter le froid des nuits glaciales d'hiver.
Pourtant ce jour-là, le soleil éclairait le sous-bois et lui donnait des teintes de cuivre. Une bonne odeur d'humus se dégageait du sol.
Deux feuilles étaient restées à la cime d'un érable totalement dépouillé. Pourquoi ces deux-là avaient-elles résisté au vent, à la pluie, au froid? Impossible de le savoir. Elles pensaient qu'elles avaient été épargnées parce qu'elles s'aimaient. Eder était plus grande, apparemment plus robuste, plus âgée de quelques jours. Elle avait viré au rouge pourpre, une vraie splendeur. Yafa était plus pâle, plus fine, plus délicate. Elles avaient bravé les tempêtes ensemble. Elles avaient souffert ensemble de la chaleur de l'été et des premiers froids de l'automne. Eder encourageait Yafa quand elle se disait à bout de force :
-- Accroche-toi, Yafa, accroche-toi de toutes tes forces. Tant qu'elle le peut, une feuille ne doit pas lâcher prise!
-- A quoi bon? Si tu tombes, Eder, je tomberai avec toi. Je ne peux pas vivre sans toi.
-- Tu dois tenir, Yafa...Je te regarde et je t'admire : tu es si belle!
-- Non, Eder, ne dis pas ça. Toute ma sève est partie. Je suis flétrie, jaunie, tachetée de rouille.
-- Tu es plus belle encore avec ta couleur or...Ecoute, Yafa : je t'aime, tu m'aimes. Le vent, le froid, la pluie ne peuvent rien contre notre amour.
A peine Eder avait-il dit ces mots, qu'un coup de vent l'arrachait de la branche. Yafa l'a vu tournoyer avant de se poser à terre sur les feuilles mortes. Elle a crié :
-- Eder, ne me laisse pas. Eder, reviens!
Mais déjà Eder gisait, inerte.
Alors Yafa a été saisie de désespoir. Le brouillard s'était abattu sur la forêt en même temps que le soleil disparaissait. La nuit était tombée froide et humide.
A son chagrin s'ajoutait la révolte contre la nature entière et particulièrement contre l'arbre qui la portait. Il vivait, lui, toujours robuste. Il passait l'hiver après avoir abandonné ses feuilles pour en faire naître de nouvelles.
Elle appelait Eder, mais c'était le silence. Seul quelque oiseau nocturne poussait un cri de temps à autre.
A force de douleur et d'épuisement, Yafa s'est assoupie. Quand elle est revenue à elle, il faisait jour. Elle n'était plus accrochée à la branche. Le vent l'avait arrachée et emportée tout près d'Eder. Ils étaient à nouveau réunis. Ils se retrouvaient avec un amour différent, plus puissant. Yafa se sentait apaisée. Elle ne se voyait plus, elle et son compagnon, comme deux feuilles soumises au caprice du vent, à la vie éphémère. La mort après tout, n'est qu'une étape de la vie. Elles devenaient une parcelle de l'univers.
Un souffle de vent a soulevé Eder et Yafa. Elles ont flotté un instant au gré du vent, sans plus livrer combat, consentantes. Les deux feuilles se sont senties légères, libérées, heureuses d'entrer dans l'éternité.