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Fabuloscope

Orphée et Eurydice Conte mythologique très poétique

Orphée et Eurydice

Conte mythologique / très poétique

Thème

Recherche de l'être aimé dans le royaume des morts.

Résumé

Le jour de son mariage avec Orphée, Eurydice est piquée par un serpent et elle en meurt. Orphée est fou de douleur. Il décide de chercher Eurydice aux Enfers. Grâce à sa lyre, il triomphe des obstacles : Charon et la traversée du Styx, Cerbère et le passage au Tartare. Hadès et Perséphone, les maîtres des Enfers lui accordent de ramener Eurydice sur terre, à condition de ne pas la regarder avant d'arriver à la lumière du jour. Presque arrivé au but, Orphée se retourne. Eurydice disparaît. Orphée erre dans la forêt, désespéré. Animaux et même rochers s'émeuvent en l'écoutant chanter sa peine. Comme il refuse de se joindre aux débordements des Bacchantes, elles lui arrachent la tête et les membres. Il retrouve Eurydice au royaume des Morts, tandis que les Bacchantes sont métamorphosées en arbres.

Notes

Sources : Ovide Les Métamorphoses Virgile Les Géorgiques François Busnel Mythologie grecque
Florence Noiville La mythologie grecque (acte sud junior)
Cf. opéra L'Orfeo de Claudio Monteverdi René Jacobs/ Trisha Brown

Public

Grands enfants, Ados, Adultes

Dates des narrations

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Orphée et Eurydice

Orphée était le fils de Caliopé, l'une des neuf muses et d'Eagre, le roi de Thrace. Il était si doué pour la musique qu'Apollon, le dieu des poètes et des musiciens lui avait fait cadeau d'une lyre merveilleuse. Certains disaient d'ailleurs qu'Apollon était son véritable père.
Orphée avait ajouté deux cordes aux sept cordes de sa lyre afin de rendre hommage à chacune des neuf muses. Il tirait de son instrument des mélodies si belles et sa voix était si touchante que tous ceux qui l'entendaient étaient subjugués, jusqu'aux animaux féroces qui se couchaient à ses pieds.
Orphée avait quelque chose de différent de la plupart des mortels, quelque chose de mystique, le culte du beau et du bien.

Parmi les nymphes qui dansent au son de sa lyre, il remarque une toute jeune fille plus souple, plus légère, plus belle que les autres. Elle danse un sourire aux lèvres, comme emportée par la mélodie. Elle semble si pure! C'est Eurydice. Ils s'éprennent l'un de l'autre. Ils s'aiment éperdument.
On prépare les noces selon la coutume : libations et sacrifices d'animaux. Orphée n'aime pas voir le sang couler, lui qui s'abstient de manger la chair. Le dieu Hymen qui préside aux mariages est là comme à regret. Drapé dans son manteau couleur safran, il mène le cortège, tenant la torche des épousailles. A son extrémité le soufre crachote, la flamme refuse de s'élever, une épaisse fumée fait pleurer les yeux. Serait-ce de mauvaise augure?

A la fin du banquet, Eurydice prend congé de ses invités pour quelques instants. Aristée, un jeune berger qui la guettait depuis longtemps, tente de la saisir et de l'enlacer. Elle se sauve, affolée, et court droit devant elle. Un serpent caché dans l'herbe la pique au talon. Orphée s'inquiète de son absence. Il la cherche, il l'appelle en vain. Quand il la retrouve , le venin s'est répandu, la vie s'est presque tout à fait retirée du corps d'Eurydice. Orphée tente de la réchauffer, il l'embrasse, il lui parle, mais déjà elle ne l'entend plus, elle ne le voit plus. Elle s'éteint dans ses bras.

Les réjouissances de l'hyménée se poursuivent dans les larmes. Aux chants succèdent les pleurs de la sépulture.
Orphée est fou de douleur.
-- Plus jamais je ne la tiendrai contre moi...plus jamais je ne contemplerai son beau visage, je ne caresserai ses longs cheveux, son corps souple et gracieux...Plus jamais je ne la verrai danser au son de la musique parmi ses soeurs, les nymphes des bois...Elle si jeune, déjà privée de la lumière. C'est trop injuste!...A quoi bon vivre désormais, sans Eurydice? Orphée est hanté par l'idée de sa propre mort. Mais cela il se l'interdit car ce n'est pas dans l'ordre des choses.
Soudain, il prend une décision : il ira chercher Eurydice au royaume des Morts. Personne n'est jamais revenu des Enfers. Aucun vivant n'y a jamais été admis. Mais lui, il essaiera. Il ne peut vivre sans Eurydice.

Il se rend au promontoire du mont Taygète. Là, il erre un long moment avant de trouver l'entrée des Enfers, cachée par des éboulis et des fougères humides. Il pénètre dans le passage étroit. A mesure qu'il avance, l'obscurité se fait plus dense. Il marche à tâtons dans ce boyau en pente raide. Il glisse sur le sol gorgé d'eau. Seul le bruit des gouttes tombant dans les flaques rompt le silence oppressant. Son dos, ses épaules sont mouillés. Il a froid. Mais la pensée d'Eurydice le pousse en avant.
-- Eurydice, mon Eurydice!
Soudain le passage s'élargit et s'ouvre sur le vaste espace de l'Erèbe baigné d'une lueur grise. Il traverse des champs d'asphodèles, ces grandes fleurs blanches, puis il longe les marécages à l'odeur d'eau croupie. Plus loin, des vapeurs sulfureuses le prennent à la gorge. Il presse le pas. Il rencontre les Rêves qui attendent la nuit pour monter chez les hommes.
La barque de Charon est amarrée au bord du Styx, le fleuve qui borde le monde des Morts.
-- Halte! Comment es-tu venu jusqu'ici? Ma barque ne transporte que les âmes des Morts. Aucun vivant n'a accès aux Enfers.
Orphée ne répond pas. S'accompagnant de sa lyre, il chante une mélodie déchirante qui émeut le coeur du vieillard endurci. Et Charon se laisse attendrir.
De l'autre côté du Styx l'attend Cerbère, le terrible chien à trois têtes, gardien des Enfers. Lui non plus ne peut résister aux chants d'Orphée. Il le laisse passer au Tartare, le royaume des Morts.
Orphée se fraye un passage parmi les êtres privés de lumière. Les ombres inconsistantes se pressent autour de lui pour écouter ses chants : des vieux, des soldats encore munis de leurs armes, des jeunes femmes mortes en couche, des nourrissons, des enfants. Tous ne sont plus que des spectres.
Sous l'effet de la lyre les punitions des coupables de crimes sont interrompues : la roue d'Ixion s'arrête, Tantale oublie sa soif, Sisyphe cesse de remonter son rocher, les Danaïdes renoncent à remplir leur tonneau percé.

Orphée arrive devant le trône d'Hadès. Perséphone, son épouse, est assise à ses côtés. Orphée salue les maîtres des Enfers.
-- Que fais-tu ici? lui demande Hadès d'un air courroucé. Ce n'est pas la place d'un vivant.
Pinçant les cordes de sa lyre, Orphée chante sa complainte : la perte d'Eurydice, si jeune, il l'aime plus que sa vie, son désespoir. Hadès ne reste pas insensible. Quant à Perséphone, elle-même privée de la lumière du soleil dans la fleur de l'âge, elle est au bord des larmes.
-- Accordez-moi la faveur de ramener Eurydice sur terre pour quelques années de bonheur ou alors gardez-moi dans le royaume des Morts, la vie sans ma bien-aimée m'est devenue un fardeau insupportable.
-- Ton heure n'est pas encore venue, lui dit Hadès.
D'un coup d'oeil, Perséphone s'assure de l'assentiment de son époux. Elle fait venir Eurydice.
-- Nous te permettons de ramener Eurydice vers le monde des vivants... Mais à une condition : pendant tout le temps que durera votre remontée vers la lumière du jour, tu devras marcher devant, sans te retourner pour voir Eurydice.
Hadès intervient :
-- Si tu enfreins l'interdit, ta femme te sera enlevée définitivement.
Et il ajoute :
-- Tu ne dois rien révéler au commun des mortels de ce que tu as vu ici, sauf aux initiés.
Il n'en dit pas plus.

Orphée se met en marche, Eurydice le suit à quelques pas. Ils repassent devant les ombres, puis devant Cerbère. Charon les ramène de l'autre côté du Styx. C'est bientôt la remontée dans le passage étroit. Orphée voudrait s'assurer de la présence de sa bien-aimée, la toucher, lui donner la main, la rassurer, se rassurer. Il ne faut pas : les dieux des Enfers l'ont interdit. Il aimerait entendre ses pas, être sûr qu'elle le suit. Mais Eurydice n'est encore qu'une ombre impalpable, elle avance sans bruit.

Enfin, il perçoit une lueur, la lumière du soleil, plus brillante à mesure qu'il avance. Il va franchir le seuil, se retrouver à l'air libre avec Eurydice, retrouver la vie, l'amour! Il foule le sol de la terre.
Sans plus réfléchir, il se tourne vers elle. Aussitôt Eurydice s'immobilise. Muette, elle tend les bras vers lui. Il l'appelle :
-- Eurydice, mon Eurydice!
En vain. Elle s'estompe dans la brume, puis disparaît.

A nouveau, le désespoir s'empare d'Orphée, une douleur d'autant plus insoutenable qu'il ne peut que s'accuser lui-même. Pourquoi ce geste d'impatience, si près de la réussite? Comment a-t-il pu gâcher son bonheur et celui d'Eurydice, reconquis au prix de tant d'efforts?
Une deuxième tentative auprès des dieux est vouée à l'échec.

Orphée erre, comme hébété, sans boire ni manger pendant sept jours. Il s'enfonce dans les contrées désertes. Là, il chante des mélodies déchirantes, toujours s'accompagnant de sa lyre. En l'entendant, les bêtes féroces elles-mêmes laissent couler leurs larmes, les oiseaux se taisent, les arbres frémissent, même les rochers s'émeuvent.
Un jour, les Bacchantes, ces femmes sans retenue, aperçoivent Orphée. Elles sont ivres. Elles l'invitent à se joindre à leur orgie, à leurs danses folles. Il refuse et commence à s'éloigner. Dépitées, elles entrent dans une fureur que rien ne peut arrêter. Elles se jettent sur lui en hurlant, le griffent, le fouettent avec des branches, le lapident à mort, puis le déchirent. Ses membres sont dispersés, sa tête est jetée dans la rivière et les flots l'emportent jusqu'aux rives de Lesbos, toujours murmurant : Eurydice, mon Eurydice.

L'ombre d'Orphée descend sous terre. Il retrouve son Eurydice. Ils restent longtemps les yeux dans les yeux. Ils marchent du même pas, se tenant par la main.
Quant aux Bacchantes, leurs pieds s'enfoncent dans le sol de la forêt et deviennent racines. Elles s'agitent et crient mais le bois monte inexorablement et scelle leurs jambes, envahit leur corps et leur tête. Leurs bras se transforment en branches.

En hommage à Orphée et à ses chants si beaux, Zeus met la lyre dans le firmament. C'est ainsi qu'on peut voir cette constellation dans le ciel nocturne.

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